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Le serment du jeu de paume

20 juin 2012

Rapocalypse I : Les prédicateurs inconscients ?

 

Personne ne saurait nié que le Rap puise sa source dans la contestation. Longtemps dénigré, le Rap est la projection d'une société, qui ne préfère pas se voir telle qu'elle est. Car si les Hotels de Ville arborent fièrement la devise Républicaine ("Liberté, Egalité, Fraternité"), les enfants de la Nation sont livrés à eux mêmes à quelques pas des centre-villes dans des quatiers guettos, où la Police ne rentre que pour rafler les plus téméraires. Le Rap rappelle à la France que derrière les monuments aux morts, ou les hommages aux hommes et aux femmes illustres, se cachent l'idée d'une société épurée des soubresauts primaires qui a plusieurs reprises l'ont fait perdre dans la division. C'est cette image du Rap qu'il faut retenir, loin des clichés absurdes véhiculés par la classe journalistique résumant le discours de ces tribuns d'un nouvel âge par "ouaich-ouaich yo-yo" (IAM - La fin du monde), et loin des stéréotypes que les Rappeurs d'aujourd'hui ont eux même façonnés, celle d'un individu guidé par l'argent et le sexe, avide d'expéditions punitives et de luttes armés contre un Etat qu'il n'a jamais défini. Les pionners du Rap ont imposé de nouveaux débats dans la sphère médiatique, mettant le doigt le plus souvent sur le problème du racisme et de la discrimination; cela n'a pas permis aux Rappeurs "de faire saigner la droite extrème" ( Animalement votre - Kery James), qui compte aujourd'hui deux députés à l'Assemblée nationale. Mais si les politiques et les penseurs d'extrème droite justifient leurs discours nauséabonds en faisant mirroiter le spectre d'une France pillée et traumatisée par les envahisseurs étrangers, celle des invasions barbares, les Rappeurs ont eux aussi imaginé l'Apocalypse dans des singles quelquefois assez burlesques mais qui mettent en excergue la fonction du rappeur dans une société qui ne lui ressemble pas.

    Le premier single qui saute aux yeux lorsque l'on parle d'Apocalypse est celui de NAP "La fin du monde". Au lieu, de transfigurer le mythe de l'Apocalypse, et de faire tenir un rôle aux différents acteurs de la société moderne dans la fin des temps, Nap se contente d'énumérer les péchés de l'homme moderne et de décrire l'Apocalypse, en s'inspirant des textes sacrés. Autant dire, que le vieux single de Nap, présente un intérêt artistique assez limité, et quant à sa fonction politique, il est indéniable que le rappeur n'a pas à jouer le rôle de prédicateur dans une société qui a tué Dieu, il y a des années de cela. Le single ne fera pas grand bruit, et s'il présente un intérêt quand même, c'est qu'il démontre que le retour aux racines et à la religion, avait commencé bien avant que les journalistes ne parlent "d'islamisation des banlieues" :

 Prennant un ton plus brutal, moins religieux, et presque nihiliste, le groupe "La Cliqua" a également concocté une version de l'Apocalypse. "Tout détruire pour tout recommencer". La Cliqua met en scène une Apocalypse moderne où toutes les composantes malsaines de la société moderne prennent le dessus sur les composantes traditionnelles. La Cliqua ravive en quelque sorte les valeurs traditionnelles de l'amour et de l'amitié dans un Monde en chute libre. Ce single joue un rôle de révélateur. Car si les rappeurs de La cliqua n'attendent sans doute pas l'Apocalypse, ils adoptent une posture révolutionnaire et se positionnent donc au sommet de la contestation. Une posture qui se confirmera par la suite.

 Bien sûr, on ne pouvait occulter le rôle du grand groupe marseillais IAM dans cette thématique, car un titre dédié à l'Apocalypse en cours figure dans leur dernier album. Iam "attend la fin de leur monde", car comme Kery James dans "Hardcore", le groupe marseillais fait un inventaire des plus grandes injustices tout en légitimant des idées qui ne le méritent pas vraiment. Ce single est pur violence, et les images souvent accolées aux paroles sont insoutenables. L'Apocalypse a déjà commencé et nous sommes les temoins de ce monde en perdition.

Donc d'un côté comme de l'autre, on attend l'Apocalypse. Les extrèmistes nationalistes attendent les invasions barbares et les rappeurs attendent le déluge. Mais si la République embrasse la diversité, les rappeurs n'auront peut-être plus besoin de crier au Monde, et quelquefois de façon maladroite, que sa fin est proche.
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